144 fois la même photo d’Annecy

Faire l’ascension de la Tournette. Se retourner tous les 100 mètres. S’exclamer « que c’est beau ! ». Prendre une photo. Recommencer pendant 6h.

Nous sommes déjà fin août et les vacances s’étirent vers la rentrée. Après le Bourget, Aiguebelette et le Léman, Annecy est le dernier des quatre grands lacs de Savoie Mont-Blanc qu’il manque à mon palmarès estival.
Parmi tous les sommets qui l’entourent, la Tournette est le plus mythique. Le plus haut également, et le plus parcouru, quelle que soit la période de l’année. Arrivé de bon matin par le col de la Forclaz, il y a déjà beaucoup de monde sur le parking des Prés ronds.

La première partie de l’itinéraire coupe les virages de l’ancienne route qui monte au col de l’Aulp, itinéraire sans grand intérêt mais qui permet une mise en jambes assez tranquille. Au-dessus de la forêt de la Coche, le lac se distingue déjà.

Il est à peine 10h du matin lorsque j’attaque le sentier proprement dit, qui s’élève en quasi-ligne droite face à la falaise de Pierre-Châtelard. Commence alors une interminable série de « que c’est beau ! » à chaque arrêt pour rendre mon souffle.

Les Haut-Savoyards prétendent que le lac d’Annecy serait un fragment du lac Majeur (le créateur céleste de ces perles d’émeraude liquide aurait eu un morceau de trop, et l’aurai jeté de l’autre côté des Alpes). On aurait presque tendance à les croire…

Au pied de la falaise, le sentier part vers la droite, en direction d’un petit plateau abritant le refuge de Blonay-Dufour, fermé depuis de nombreuses années.

On reprend alors l’ascension par la gauche, qui offre à nouveau de magnifiques panoramas. Les chèvres ont remplacé les vaches, et connaissent très bien les habitudes des marcheurs, qui ont fait du col du Varo un lieu de pique-nique avec vue.

Après deux bonnes heures de montée, le sommet est en vue, mais il nécessite encore le passage de quelques franchissements plus ardus, dont certains sont équipés de chaînes. Les randonneurs les plus matinaux sont déjà sur le retour, et en oublient parfois les élémentaires règles de courtoisie en montagne. La rançon du succès sans doute.

Vient enfin le « fauteuil », dernière épreuve (et non des moindres) avant le sommet. Ce gros rocher semble posé là comme un caillou sorti de la chaussure d’un géant. Car comme souvent en Savoie, on convoque Gargantua pour expliquer les curiosités géologiques les plus spectaculaires. Le gentil géant se serait ainsi façonné un fauteuil à sa mesure pour prendre un bain de pieds dans le lac, ce que tout un chacun aurait fait à sa place par cette chaude journée d’été.

Dans un paysage minéral presque lunaire, le sommet est enfin là, au prix de quelques chaines et d’une dernière échelle. On se bouscule pour faire un selfie à côté de la croix, seul diplôme que l’on peut espérer recevoir de ces plus de 4h30 d’effort.

Le retour, par le même chemin, permet d’en prendre à nouveau plein la vue. Les 1444 mètres de dénivelé sont avalés en moins de deux heures cette fois-ci, non sans quelques arrêts pour ancrer ces paysages magnifiques dans la mémoire, et lancer quelques derniers « que c’est beau ! ».


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