Mystérieuse Chartreuse

En partant de Chamechaude en direction de Chambéry, la route passe devant le monastère de la Grande Chartreuse, étape incontournable et mystérieuse.

Le monastère de la Grande Chartreuse en lui-même ne se visite pas, et les tout puissants moines protègent leur tranquillité par un vaste domaine qui dissuade les touristes de s’aventurer trop près de leurs terres. Cette « zone de silence », qui s’étend plusieurs kilomètres autour du monastère, est appelée « le désert » (on ne saurait être plus clair). Il faut donc se contenter de visiter le musée de la Correrie, une « maison basse » située à quelques kilomètres de là, pour tenter d’approcher un peu le mystère des fils de Saint-Bruno.

La Correrie est l’ancien hospice des pères chartreux, et donne une bonne image du mode de vie et du dépouillement dans lequel vivent les moines, dominés par la toute puissance de la montagne. Même s’ils sont cénobites, chaque père chartreux vit seul dans un ermitage, petite maison à deux étages composée d’une pièce de vie et de travail en haut, et d’un atelier ouvrant sur un petit jardin en bas, le tout clos de murs. La vingtaine de pères vit ici cloîtré la majorité du temps, consacrant sa journée à la prière, à l’étude et au travail manuel.

Les pères sont entourés de frères, qui ont un mode de vie moins strict et participent à la bonne marche du monastère. Les moines ne se retrouvent ensemble qu’une fois par jour pour prier ensemble, et le dimanche pour un repas collectif et une « récréation » commune où ils peuvent sortir de leur silence. La montée hebdomadaire au sommet du Grand Som, qui domine le monastère, est appelé le « spaciement » et fait partie intégrante des règles de vie des Chartreux.

L’histoire des Chartreux faite de silence, de solitude et de contemplation a été largement tourmentée depuis la création de l’ordre en 1084 par Saint-Bruno, entre avalanche, incendies, peste noire, persécutions, Révolution… Et ce n’est qu’au 19e siècle que les moines inventent la recette de leur fameuse liqueur faite d’herbes cueillies autour du monastère. L’élixir (exploité par une société commerciale) apporte aujourd’hui la majeure partie des revenus du monastère, et sert à entretenir les immenses bâtiments conventuels construits au 12e siècle pour accueillir le « chapitre général », la grande réunion biennale de l’ordre cartusien, qui réunit à la Grande Chartreuse toutes les maisons installées en Europe et au Nouveau-Monde.

Au moment de reprendre la route, on traverse tout le massif de Chartreuse, un parc naturel régional qui s’étend sur les départements de l’Isère et de la Savoie, de Grenoble au sud à Chambéry au nord. Entre vallées encaissées et sommets mythiques, le massif semble être un havre de tranquillité qui cache bien son jeu, avec moult curiosités naturelles et culturelles. On reviendra, c’est sûr.


En plus

  • Le site du musée de la Grande Chartreuse : www.musee-grande-chartreuse.fr
  • Le site de l’ordre des Chartreux : www.chartreux.org
  • À lire : la bande-dessinée « Histoire de la Grande Chartreuse » par Laurent Bidot (Glénat, 2011, 48 p. – 11,50 €)