Légendes d’Oliferne

Il y a peu de chance pour que vous arriviez à situer le pic d’Oliferne sur une carte. Mais ce nom évoquera à coup sûr une terre de mystères et de légendes…

Un peu de géographie pour commencer : le pic d’Oliferne se situe sur la commune de Vescles, dans le canton d’Arinthod. Vous ne voyez toujours pas ? 😉 Nous sommes ici aux confins de l’Ain et du Jura, au-dessus de la vallée de l’Ain, dont les barrages ont dompté les eaux jadis capricieuses.
C’est une balade facile mais riche en légendes qui nous attend aujourd’hui (on pourrait atteindre le pied du pic en voiture, mais ça serait beaucoup moins rigolo et mystérieux).

Depuis le hameau de Boutavent, on commence par monter tout droit au milieu des Champs pertus, jusqu’à atteindre la crête du Molard de la Justice (parenthèse lexicale : le terme de « molard » viendrait du latin « mola » qui désigne une meule, et par extension, un gros rocher ou un tas de cailloux – ce qui donnera également le terme de « molaire »… eh oui !).
La balade suit cette crête de bout en bout, de laquelle on peut profiter des paysages à perte de vue à l’est comme à l’ouest.

Le sentier redescend ensuite légèrement dans la forêt jusqu’au pied du pic d’Oliferne, et de son château que certains disent hanté.

On commence par franchir une impressionnante muraille de plus de 300 m de long. Elle entourait la basse-cour du château, dont on peine à imaginer qu’elle a pu abriter « jusqu’à 200 feux » au 14e siècle. C’était donc des centaines de familles qui vivaient ici, à l’abri de cette forteresse imprenable.
Dès l’entrée, et bien que le site soit encore désert en ce début d’été, on se sent bizarrement épié. Sont-se des fantômes qui rôdent… ou ce soldat de métal (mais rudement bien imité) qui domine la tour de garde ?

Parmi toutes les histoires qui circulent autour d’Oliferne, il y a justement celle de ce garde forestier qui, attiré par des bruits de chasse près du château, aurait aperçu « une foule de grands seigneurs, belles dames et de piqueurs » festoyant sur le gazon, entourés de leurs chevaux et chiens de chasse. Il fait alors demi-tour mais, n’en croyant pas ses yeux, il revient sur ses pas… et toute trace du fastueux banquet avait disparu.

Une autre légende célèbre est celle des « trois damettes », qui est racontée selon différentes versions. Dans l’une d’elle, le seigneur d’Oliferne, homme fourbe et cruel, retient prisonnier trois jeunes filles, dans son château lugubre et hanté de spectres. Lorsqu’un jour de preux chevaliers montent du village pour sauver les demoiselles, le seigneur, voyant sa fin arriver, se venge de ses assaillants et enferme ses captives dans trois tonneaux garnis de pointes, pour les faire rouler le long de la montagne jusqu’à la rivière d’Ain. Après leur supplice, les trois jeunes filles seraient réapparues dans la vallée sous la forme de trois rochers, qu’on surnomme les « trois damettes ».

Bien d’autres histoires se racontent encore sur le château d’Oliferne et son seigneur, dont on dit qu’il ferrait son cheval à l’envers pour ne pas être suivi.

À entendre les villageois de Vescles, de Condes et de Boutavant parler de tous les prodiges et les enchantements dont Oliferne fut le théâtre, on croirait écouter l’admirable épopée des romans de la Table-Ronde que les bardes composèrent dans la forêt druidique de Brocéliande.

Alphonse Rousset (1858)

Dans les faits, l’association Adapemont, qui restaure le château, estime que celui-ci aurait été construit à la fin du 13e siècle, pour défendre ce site stratégique à la confluence de l’Ain et de la Bienne, frontière de la Franche-Comté avec le royaume de France. Après plusieurs péripéties, le château actuel aurait été détruit en 1592 par les troupes du Roi de France Henri IV, lors de la conquête de la Franche-Comté espagnole.
Depuis 1997, des campagnes périodiques ont lieu pour fouiller et mettre en valeur les ruines du château, qui accueille de nombreux visiteurs attirés par son mystère… et son panorama.

Au retour, il est possible de faire une pause rafraîchissante au bord du lac du Coiselet, une des nombreuses retenues d’eau artificielles qui jalonnent la vallée de l’Ain.


En plus

  • Le topo-guide de la randonnée : www.visorando.com/randonnee-le-pic-d-oliferne/
  • Le site de l’Association pour le développement et l’aménagement de la petite montagne : adapemont.fr
  • Légendes à découvrir sur le Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté et des hameaux qui en dépendent, par Alphonse Rousset, avec la collaboration de Frédéric Moreau architecte – Tome VI, Département du Jura – A. Robert, imprimeur et lithographe, Lons-le-Saunier, 1858 : books.google.fr