Un bout du monde, au cirque de Navacelles

C’est un cliché de dire que le bout du monde est à sa porte. Mais c’est cette impression que l’on a eu en découvrant le cirque de Navacelles, à deux pas de Montpellier.

L’arrivée à Navacelles est étrange. Comme si la nature avait délibérément choisi de ménager son effet jusqu’au bout. En sortant de l’autoroute, on passe quelques villages et on s’engage sur un grand plateau désert. La végétation est rase, balayée par le vent, on croise un « ranch » isolé sur une immense ligne droite, avec l’horizon tout plat à perte de vue. Une impression de Far-West du Languedoc. Le parking est au pied d’une ancienne ferme, convertie en auberge et annexe de l’office de tourisme. Le vent est glacial en cette mi-juin, et toujours rien à l’horizon.

Il faut passer derrière l’auberge et s’avancer jusqu’au bord du gouffre pour en prendre plein la vue. Un effet waouh au naturel. Le cirque de Navacelles est immense, magnifique, étonnant. Devant nous s’ouvre un espace baigné de soleil de trois cent mètres de profondeur dans le plateau et de plusieurs kilomètres de diamètre. Au centre, un amat de granit formant un promontoire paraît minuscule (mais le sera beaucoup moins lorsqu’il s’agira de grimper à son sommet sous la chaleur !). Au creux de la forêt, le village n’est pas plus gros qu’une maquette.

En fait de cirque, Navacelles est plutôt un canyon, car il impossible d’en faire le tour sans traverser la rivière en fond de vallée. C’est cette toute petite rivière, la Vis, qui a façonné ce décor grandiose au fil des millénaires. Difficile à croire quand on croisera le filet d’eau qu’on peut presque traverser sans se mouiller à cette période de l’été.
On peut descendre par la route, ou par une belle randonnée pour les plus vaillants (l’aller et le retour se font par le même sentier). Au bout du parking, on s’engage dans un serpentin au milieu des cailloux, qui dévale la falaise en moins de deux. Sujets au vertige s’abstenir, mais le panorama en vaut la peine.

Après avoir coupé la route une ou deux fois en bas de l’itinéraire, le dénivelé se fait moins prononcé et on arrive au village en longeant quelques maisons. Ils doivent être une dizaine d’habitants à l’année tout au plus et, chose agréable, le village n’a pas (encore ?) été transformé en Disneyland pour touristes. Quelques gîtes et un restaurant, un vendeur de cartes postales chez qui le litre d’eau se négocie à 2,50 € (c’est de bonne guerre) mais rien de surfait qui gâcherait la paisible convivialité des lieux.
Au centre du village, le pré commun accueille les voitures des touristes pas loin de la rivière. On s’y arrête à notre tour pour pique-niquer, à l’ombre et presque les pieds dans l’eau. Aucune couverture réseau ici, et c’est tant mieux : à Navacelles, on vit le moment présent avant de le raconter à la planète entière.

Rassasiés, on traverse le joli petit pont de pierre qui enjambe la Vis et dont l’unique arche prend appui sur la falaise opposée à celle descendue ce matin. Il est trop tard pour aller jusqu’à la résurgence de la rivière et découvrir les anciens moulins. Ça sera pour une prochaine fois, ce Grand site de France mérite qu’on y revienne. Au lieu de cela, on chemine sur le second versant à la recherche d’un nouveau belvédère et de points de vue toujours à couper le souffle. Le site est jalonné par les randonneurs qui s’en donnent à coeur joie dans les multiples sentiers qui sillonnent le cirque.

De retour au village quelques heures plus tard, on suit la rivière jusqu’à la cascade qu’on entendait résonner au loin. A nouveau, le choc est grandiose : impossible de distinguer les lieux d’en haut, il faut aller tout au bout de la rivière, sauter quelques pierres et se risquer au milieu de la rivière pour en découvrir la majesté. Nous ne sommes plus à 1h de Montpellier, mais au bout du monde, en Thaïlande ou dans je ne sais quel pays exotique.
La tranquille rivière se transforme en un furieux torrent qui tombe entre les rochers dans un fracas énorme. Toute la cuvette est recouverte de mousses, d’arbres en tout genres aux racines acrobates. L’eau est limpide, presque turquoise, un gigantesque arbre mort tout blanc échoué sur un côté semble même trop beau pour être vrai dans ce décor de carte postale.

On descend un peu sur le côté pour découvrir plusieurs chutes d’eau, dont une bien cachée tout au fond derrière un rocher, forcément intriguante car inaccessible. À mi-hauteur, la force de l’eau a creusé un bassin au-dessus des autres, d’une profondeur impossible à définir, à la fois calme et terrifiant. Le spectacle de la nature est magique.

On remonte la rivière jusqu’au village pour grimper sur le promontoire naturel qui trône au centre de cirque (et sert de piédestal à la Vierge Marie). Nos pas nous mènent dans les petites rues entre les maisons et les jardins. Tout est calme. Il doit faire bon vivre ici l’été, avec la rivière toute proche pour se rafraîchir.
On comprend bien le phénomène qui a creusé ce canyon une fois en haut de l’amas granitique central : à l’origine, la Vis faisait une boucle sur elle-même, créant cet effet de cirque, avant de choisir une voie plus directe, formant la cascade entre son point amont au début de la boucle et son point aval à la fin.

Après un rapide casse-croûte à l’ombre de la statue, on reprend l’unique et abrupte sentier qui nous ramène au sommet des falaises, avec pour objectif de travailler un peu les mollets. Moins de 20 mn pour faire les 300 mètres de dénivelé : challenge accompli !


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