[Un an basque] 1/4 Road trip sur la côte, de Biarritz à Bilbao

Comme beaucoup d’étudiants, j’ai eu la chance de partir un an en Erasmus. Pour ma part, c’était au pays basque, un « pays » à part entière, ni en France ni en Espagne, avec son identité, sa langue, son drapeau, ses jeux, ses traditions. Des deux côtés de la Bidasoa, le fleuve côtier qui sépare administrativement la France de l’Espagne, on m’a souhaité la « bienvenue dans notre pays », c’est dire si le sentiment d’appartenir à un peuple à part entière est fort ici. Pour la première partie de ce carnet de voyage, longeons la côte atlantique.

Biarritz

C’est ici que les anglais ont créé le premier golf du continent en 1888. Ici également que les premiers surfeurs d’Europe se sont installés en 1957… Aujourd’hui, ce sont plutôt les rugbymen, option « remise en forme », qui ont la cote à Biarritz (dites Miarritz, en basque).

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Malgré la douceur du climat, le sport et la remise en forme n’ont pourtant pas toujours été l’argument principal de la région. Le tourisme non plus d’ailleurs, car il faut attendre la fin du 18e siècle pour que le petit port de pêche aux baleines devienne une station balnéaire à la mode. L’apothéose de cet âge d’or remonte aux années 1850, quand Napoléon III fait construire un palais sur la plage à l’impératrice Eugénie, qui raffole des bains des mer. Le bien nommé « hôtel du palais » est aujourd’hui l’un des plus chics du pays basque.

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Arrogante de son succès Biarritz ? Ce serait plutôt le contraire, tout le monde vous y accueillant chaleureusement et avec simplicité.

A voir, le musée de la mer n’a rien d’un grand aquarium moderne, mais c’est ce qui fait son charme, concentré sur les espèces marines de la région. Son plus bel atout est qu’il recueille les phoques échoués sur la plage le temps de les remettre en état avant de les réintroduire dans le milieu naturel. Le musée évoque enfin le passé baleinier de la ville, toute une histoire !

Un peu plus loin dans les terres, il faut faire une halte au petit village d’Arcangues, typiquement basque avec balustrades dans l’église, une particularité locale.

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Saint-Jean-de-Luz

Donibane Lohizune (Saint-Jean-des-Marais, en basque) est l’un des plus vieux port baleinier du pays basque, antérieur même à celui de Biarritz. Aujourd’hui encore, la pêche en haute-mer est la principale ressource économique de la ville, qui partage son port avec la commune de Ciboure, sa sœur jumelle sur l’autre rive de La Nivelle.

L’océan n’a pourtant pas épargné les luziens, tout un quartier ayant même disparu au 18e siècle suite à de violentes tempêtes. Les digues protégeant la baie ont de nombreuses fois été reconstruites et sont toujours renforcées tous les ans pour résister à l’assaut des vagues.

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La petite plage de Saint-Jean-de-Luz se termine sur les falaises de Sainte-Barbe, caractéristiques du littoral de la région. La vieille ville quant à elle, abrite l’église Saint-Jean-Baptiste où fut célébré le mariage entre le roi Louis XIV et l’infante d’Espagne Marie-Thérèse d’Autriche, point final du traité des Pyrénées scellant la paix entre les deux royaumes voisins.

Les week-ends ensoleillés, Saint-Jean-de-Luz devient espagnole, les transports, les plages et (surtout) les cafés étant bondés de frontaliers voulant profiter de cette station balnéaire très agréable à vivre hors-saison.

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Donostia

De ce côté-ci de la frontière administrative, il faut choisir son camp. On dit Donostia (généralement), ou Saint-Sébastien, si l’on préfère l’appellation française. On n’utilise pratiquement jamais le nom catalan, San-Sebastián, comme un petit acte de rébellion quotidienne face au pouvoir étatique de Madrid. Pas à l’abri d’un paradoxe, la cité basque accueille pourtant bien volontiers les riches madrilènes qui passent l’été au frais de la côte, fuyant la touffeur de l’été dans les terres.

Donostia donc, est aujourd’hui une cité balnéaire réputée, qui s’est surtout développée à partir des années 1200 grâce au commerce, bénéficiant d’une situation géographique favorable (tournée vers l’Atlantique, voisine de la France et sur la route de Saint-Jacques de Compostelle). Au fil du temps, la ville est devenue une cité prospère qui a attiré les convoitises (d’où la présence d’une citadelle fortifiée). Elle est même passée aux mains de la France quelques années, avant qu’une coalition anglo-portugaise ne mette les français définitivement dehors en 1814. Le basque y est aujourd’hui la langue officielle.

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À ce propos, ne dites pas « tapas », mais « pintxos » (le « x » se prononçant « ch ») : Donostia en est la capitale officielle. La gastronomie est très présente ici, avec un nombre impressionnant de grands restaurants et de chefs réputés. Pour les bourses étudiantes un peu fauchées, mieux vaut donc se régaler de pintxos, certes un peu plus chers qu’ailleurs, mais diablement goûteux.

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L’aquarium
Situé tout au bout du port, sur la place Jacques-Yves-Cousteau, l’aquarium de Saint-Sébastien est surtout connu pour son tunnel de verre passant au milieu du bassin océanique. Près de 5 000 espèces sont présentées, dont les inévitables requins, les raies, les tortues de mer, mais aussi les murènes, les poissons clowns, les calamars, les méduses et j’en passe… Mais le meilleur de la visite est bien sûr le grand bassin tropical, qui s’ouvre en fond de scène de l’auditorium. Un classique, mais confortablement installé dans les fauteuils, on peut y passer des heures.

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Le Mont Igeldo
La plage d’Ondarreta se termine à son extrême ouest par le Mont Igeldo, tout en haut duquel se trouve le parc d’attraction du même nom. C’est old school, les attractions n’ont visiblement pas été changées depuis les années 1950, et les balustrades en béton style « rocaille » ont assez mal vieillies. On y monte surtout pour la vue sur la baie de la Concha et l’Ile de Santa-Clara.

De là-haut, un petit sentier permet de redescendre vers la mer de l’autre côté du mont. Il mène à un lieu étrange tout droit sorti d’un film d’espionnage tendance ex-URSS, dont on se demande encore aujourd’hui à quoi il peut bien servir…

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Randonnée sur la falaise
Au nord, de l’autre côté de la rivière, c’est la petite place de la Zurriola, paradis des surfeurs, été comme hiver. Tout au bout, débute une randonnée au démarrage assez périlleux, à flanc de falaise. Une fois ce passage délicat exécuté, on retrouve un sentier magnifique, qui part pour 3h de randonnée entre falaises et forêts, offrant des vues à couper le souffle et quelques surprises, dont un fort militaire abandonné. On redescend au niveau de la mer dans le petit village de pécheurs de Pasasia, où le « Topo », le petit train basque, nous ramène au centre-ville de Donostia. Inoubliable.

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Getaria

Contrairement à sa voisine Zarautz totalement dédiée au tourisme (avec la plus grande plage de la région), Getaria est un authentique port de pêcheurs, qu’il faut prendre le temps de découvrir pour ne pas passer à coté du casco viejo.

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Les petites rues pavées conduisent jusqu’à la place principale où trônent deux statues de Juan Sebastián Elkano, marin de Getaria, qui a été le premier à faire le tour du monde en bateau. En effet, contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas Magellan qui en est l’auteur, car celui-ci c’est fait malencontreusement dévorer par les cannibales aux Philippines ! C’est donc son lieutenant, Elkano, qui a repris la barre et a terminé le périple…

Au bout du port, un gros rocher en presque île abrite le parc San Antón. Le chemin botanique serpente jusqu’au phare, qui fut un temps protégé par un mini-bunker situé quelques mètres plus haut sur la falaise.

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Vitoria

On quitte un peu la côte pour aller découvrir Vitoria (Gasteiz, en basque), la capitale administrative de la région. En effet, lorsque le pays basque a acquis le statut de communauté autonome, c’est posé le problème du choix de sa capitale. Afin de ne pas attiser encore plus la rivalité entre Bilbao et San-Sebastián, c’est la petite ville de Vitoria, tout au sud à la limite de la Navarre, qui a été choisie par les autorités. De fait, la ville s’est considérablement développée à partir de 1976 pour devenir une capitale jeune et animée (bien que le pouvoir économique reste à Bilbao, port industriel oblige).

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Le peuplement historique de Vitoria paraît assez ancien, la structure des rues en ovale qui suivent les courbes de niveau indiquant la présence d’un oppidum celte sur les lieux il y a fort longtemps. Vitoria est d’ailleurs actuellement à la recherche de son passé, et a pour cela entreprit des fouilles importantes tout autour de la cathédrale, à la rencontre du premier village de Gasteiz.

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Aujourd’hui, la ville dans son ensemble paraît agréable à vivre, les nouveaux quartiers se confondant sans excès avec le passé médiéval. Les larges avenues piétonnes ont même parfois un petit air d’Angleterre avec les bow-windows installés un peu partout au début du 20e siècle.

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Curieusement, cette capitale ne semble pas être la ville du pays basque qui revendique le plus son identité, tout du moins en apparence. Il faut toutefois savoir que le « Dia de la Hispanidad » (la fête nationale du 12 octobre) revêt un caractère particulier ici : c’est en effet ce jour où toute l’Espagne célèbre son unité que les Basques ont choisi pour manifester leur indépendance ! Normal. L’Espagne étant une monarchie parlementaire « areligieuse » (c’est-à-dire sans religion d’Etat mais qui reconnaît que la religion est une bonne chose pour le peuple), on profite aussi du 12 octobre pour fêter la « Virgen de Pilar », ça ne peut pas faire de mal, et au moins ça ne fâche personne 😉

Bilbao

Tous les guides touristiques ont à peu près le même discours sur Bilbao : une ville industrielle en pleine reconversion culturelle. Il est vrai qu’à la base, la cité doit son existence à l’établissement, en 1300, d’un petit bourg de marchands sur la rive du Nervión (« la Ría », comme on dit ici). Le développement de Bilbao fut d’abord très lent, ralenti notamment par les inondations qui ravageaient la ville. Il y a alors peu de pécheurs, et Bilbao tire principalement ses revenus du commerce maritime avec l’Europe du Nord. Mais c’est des montagnes alentour que va venir l’essor économique, au 19e siècle, avec l’exploitation des plus importantes mines de fer d’Espagne dans le massif de Triano tout proche. La ville va alors connaître une croissance démographique et économique sans précédent jusqu’aux années 1960 avec la crise de la sidérurgie. Aujourd’hui encore, Bilbao est le deuxième port d’Espagne et la capitale économique du Pays Basque.

Ainsi, se sont trois époques qui se succèdent lorsque l’on parcourt la ville : le Casco Viejo, et son marché de la Ribera (construit en 1930) ; les quartiers modernes de la rive gauche du Nervión (avec le grand parc Doña Casilda Iturrizar) qui débouchent sur le Guggenheim et l’opéra ; et enfin les friches industrielles du port, en pleine reconversion.

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Le Guggenheim
Avec 11 000 mètres-carrés d’exposition (24 000 au total, imaginez la taille des réserves !) et 55 mètres de hauteur, l’édifice conçu par Franck O. Gehry et inauguré en 1997 donne le tournis au visiteur. Le mélange de granit blond, de titane et de verre est impressionnant, d’autant plus qu’il a été imaginé pour faire pénétrer la lumière naturelle dans chacune des 19 galeries réparties sur trois niveaux.

La collection permanente est en réalité itinérante, car il s’agit de celle de la Fondation Guggenheim, une des plus vaste collection d’art contemporain au monde. Impossible donc de « faire » le Guggenheim de Bilbao, car une œuvre présentée ici un jour peut très bien être à New-York, Berlin, Venise ou Las-Vegas trois mois plus tard. C’est la politique de la fondation, qui s’assure ainsi un flux constant de visiteurs.

Seule reste sur place l’œuvre monumentale de Richard Serra « La matière du temps » qui dispose d’une galerie dédiée au sol renforcé pour supporter le poids des monumentales structures d’acier.

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El Puente Colgante
Attribué à Gustave Eiffel (en réalité, il a été conçu par un de ses ingénieurs, Ferdinand Arnodin, sur une idée de Alberto de Palacio), le Puente Colgante est le plus vieux pont à transbordement du monde. Inauguré le 28 juillet 1893, il relie Portugalete sur la rive gauche à Getxo sur la rive droite. Du fait de l’importance du trafic maritime sur la Ría, il était impossible de construire un pont traditionnel.

Après avoir subi les foudres de la guerre civile espagnole, le pont d’origine a été reconstruit en 1941. Aujourd’hui encore, c’est le moyen le plus simple de traverser d’une rive à l’autre, que ce soit à pied ou en voiture.

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Getxo
Située à l’embouchure du Nervión, on atteint Getxo en prenant le métro de Bilbao (dessiné par Norman Foster, excusez du peu). Ce qui se veut la banlieue chic de Bilbao est aujourd’hui encerclée par le deuxième plus grand port industriel d’Espagne. Du coup, même s’il y a une minuscule plage, mais il est interdit de s’y baigner car l’eau est polluée. De plus, il n’y a quasiment pas de marées du fait des immenses digues élevées pour protéger les cargos des tempêtes. Tout ça un dimanche de novembre sous la pluie avec les fumées entêtantes des usines d’acier, ça donne une ambiance un peu sinistre…

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San Juan de Gaztelugatxe

On termine ce road trip au bord de l’eau par la petite perle de la côte basque, San Juan de Gaztelugatxe. Derrière ce nom à l’apparence imprononçable (dites Gaz-té-lou-ga-tché), se cache un minuscule ermitage situé tout en haut d’un bout de caillou en presqu’île quelque part sur la côte de Vizcaya, près de Bilbao.

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Les 230 marches permettant d’accéder tout en haut du promontoire font office de chemin de croix (paraît-il qu’il fallait les monter à genoux). Tout en haut, l’église abrite des ex-voto protégeant les marins des naufrages. Pour conjurer le sort, ceux-ci peuvent également faire des ronds dans l’eau tout près de l’ermitage, offrant un étonnant ballet.

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Bon à savoir

Toutes les étapes de ce road trip (hormis l’ermitage de Gaztelugatxe et Getaria) sont reliées entre elles par des transports en commun, avec de nombreuses lignes de bus aux passages réguliers, et surtout grâce au « topo », la ligne de train régional basque, qui relie Hendaye à Bilbao. Incontournable pour qui veut voyager librement et pas cher : www.euskotren.eus


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