[Presque seul à Venise] Jour 1 – découverte

La tradition veut que l’on se rende à Venise en couple, au printemps pour le carnaval. Une fois sur place, on y visite la basilique Saint-Marc et la Gallerie dell’Accademia. Par esprit de contradiction, j’y suis donc allé tout seul, en été, et en essayant d’éviter les incontournables. Pari (moyennement) réussi.

C’est donc ça Venise. La cité des doges / de la lagune / des amoureux (ajoutez le qualificatif qui vous convient). Une heure cinq d’avion (sans compter l’heure vingt de retard), puis trente minutes de bus, autant dire que c’est à côté. Passer le périphérique un vendredi soir est moins rapide.

Dans l’avion, beaucoup de couples évidemment, quelques familles avec de jeunes enfants et assez peu de personnes seules. Un anglais décontracté, une française plongée dans ses bouquins en mode « préparation intensive du marathon des églises et des musées », une italienne d’origine française à côté de qui j’ai fait le voyage, quelques autres encore.
Après un vol sans turbulences (ma voisine ayant imploré Dieu pour avec une telle ferveur tout au long du voyage qu’il ne pouvait en être autrement), nous voici donc sur la Piazale Roma, le terminus routier de la ville.

On pressent très vite ce qui va être un point récurrent du weekend : alors que la grande majorité de la foule se concentre dans une même direction, je pars à la recherche de mon auberge dans une Venise déserte.
Étrange impression de traverser une cité vide, avec très peu de touristes parcourant des rues qui partent dans tous les sens le long de canaux qu’on traverse par des ponts à escaliers à n’en plus finir. Les vénitiens sont faciles à reconnaître : ils marchent vite, sans chercher leur chemin, ont troqué les sacs à dos pour des sacs de courses, et bifurquent dans des venelles dont on n’avait même pas soupçonné l’existence une seconde plus tôt. Ces canaux que l’on longe aussi sont déserts, avec des barques amarrées de part et d’autre. Pas une gondole à l’horizon.

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Paradoxalement, aucun problème pour trouver mon auberge : il faut suivre (un peu) la carte, et se fier (beaucoup) à son sens de l’orientation. Avoir envie de se perdre est une des conditions premières pour se repérer à Venise.

Changé, je vais faire un premier tour en ville. Une première place à quelques mètres. Comme tout à l’air paisible. Au fil des ruelles, on est irrémédiablement attiré par le Ponte dell’Academia, l’un des deux seuls qui enjambent le Grand canal, puis vers la place Saint-Marc, fléchée de partout.
D’un coup, on se retrouve plongé dans un flot de touristes, marchant tous dans le même sans (ou plutôt, en double file, bien rangés à droite).

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Au lieu de façades aux sonnettes anonymes, ce sont désormais les magasins de luxe qui enchaînent leurs devantures. D’une ville très propre, on passe tout d’un coup à des places recouvertes de déchets volants et de poubelles débordantes jusqu’à la gueule.
Un seul point d’arrivée, la place Saint-Marc et ses pigeons, pardon, ses touristes. Sauf le symbole, que peut-on y apprécier ? Les façades sont noires de pollution, quand elles ne sont pas masquées par des échafaudages, eux-mêmes recouverts d’immenses publicités. Les touristes grouillent, formant une masse compacte et mouvante, et pour tout dire, disgracieuse. Pour le coup, les gondoles sont partout, mais il s’agit très clairement de folklore. Au mythique café Florian, l’espresso est à 10 €, avec 6 € de supplément pour le service en terrasse (soit plus de 700 € le litre de café… ce qui doit en faire l’une des boissons les plus chères du monde).

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L’expérience est troublante : partant de la place Saint-Marc, la Riva degli Schiavoni est un peu les Champs-Elysées et les Ramblas réunis, soit un quai blindé de touristes et de marchands ambulants.
Mais il suffit de tourner au hasard dans une minuscule ruelle entre deux bâtiments pour changer de monde. La placette est déserte, avec deux arbres centenaires abritant un puit et deux petits bancs sur des pavés recouverts d’herbe. Autour, des immeubles aux belles façades enduites et des rues où personne ne passe à part deux ou trois vénitiens promenant leur chien, et où on entend résonner au-dessus des toits les cloches d’une petite église en briques deux rues plus loin.
Plus étrange encore, le touriste qui y débouche sans crier gare rebrousse chemin face à tant de calme. Non, surtout, rester dans la foule, suivre les mêmes chemins, s’arrêter aux mêmes endroits, regarder les mêmes points de vue, faire les mêmes photos, ne jamais vagabonder. Vite, retourner « là où il y a du monde ».

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Quitte à expérimenter des choses, tentons de suivre la foule. Il en ressort un principe que tout visiteur de Venise devrait connaître : pour aller d’un point P comme « place Saint-Marc » à un point P comme « ponte Rialto », ne t’échine pas à essayer inutilement de te repérer sur la carte, suit le flot de touristes sans te poser de questions en mangeant tranquillement ta glace et tu arriveras à ton but… tout en passant en prime par un point P comme « pont des Soupirs » 😉

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Un peu comme le ponte Vecchio à Florence, le ponte Rialto est victime d’un syndrome à un peu particulier : les gens ne se pressent que d’un côté, de sorte que l’autre est désespérément vide (mais pas moins joli). Il a été construit en 1952 par un certain Antonio Ponte (ça ne s’invente pas) et sa célébrité vient simplement du fait qu’il était le seul pont à enjamber le Grand canal, jusqu’à ce que le Ponte dell’Academia ne le rejoigne en 1930 (pas avant !).
Au nord du Rialto s’étendent de petites placettes sur les quais, avec de grandes arcades abritant des bistrots. C’est le repère des jeunes du quartier qui viennent s’asseoir sur les marches des quais pour boire un coup, discuter ou mater des films sur leur PC en regardant passer les derniers vaporeti de la journée.

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Au téléphone…
– Alors il paraît que Venise ça pue ?
– Et bien en fait pas tant que ça. Alors oui, ça sent un peu le poisson quand un bateau passe à toute vitesse dans un petit canal et qu’on est au bord de l’eau, mais ça reste super supportable. Comme partout, ce sont les poubelles remplies à en déborder de bouffe de mauvaise qualité qui sont le plus désagréables après une journée en plein soleil, mais c’est comme ça…
– Et c’est vrai que la ville s’enfonce ?
– Et comment ! On croise sans arrêt des clochers en train de pencher dangereusement, entourés de contreforts en brique, étayés de bois ou cerclés de métal à tous les étages. La place Saint-Marc est en pleine réfection de son dallage creusé de toutes part, avec pour principe d’enlever tous les carreaux, de couler une chape bien droite 30 cm au-dessus et de remettre les carreaux ni vu ni connu.
– Et on dit que juillet / août est une période creuse…
– Euh, faut pas pousser mémé dans le Grand canal non plus ! Il y a sûrement moins de touristes qu’au carnaval, mais ça fait du monde tout de même lorsque tout un paquebot débarque. Mais le truc bien avec le croisiériste, c’est qu’il reste groupé, donc il est facile à éviter.
– Et niveau circulation, ça se passe comment ?
– Ben… à pied, forcément. Et du coup je suis impressionné par le nombre de personnes promenant leur chien à Venise. Et pas que des petits, faciles à transporter dans sa gondole du dimanche ! Par contre, aucun chat à l’horizon. Mais il paraît qu’ils n’aiment pas l’eau…

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