Les tanneries

Dimanche matin, ciel bas entre deux averses, une sortie d’autoroute du centre de la France. Je n’ai alors aucune idée de ce que ce lieu peut être ou a été. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’anciens abattoirs, squattés depuis 10 ans sous le nom d’Espace autogéré des tanneries.

Ma visite commence dans lieu désert. Première fresque, avec ces mots « on ne vit qu’une fois », tout juste commencée. Du ras du sol aux toitures, et même derrière les buissons envahissant le béton, partout, des graphs de tous les styles, de toutes les couleurs. Des tags aussi, qui signent mais défigurent rarement.

La visite continue. Désormais, partout où se porte le regard, la peinture recouvre tout. L’on se demande même comment « ils » ont pu à ce point utiliser les bâtiments de manière aussi méthodique. Quelques animaux d’un bestiaire surréaliste parsèment cette galerie à ciel ouvert, tel cet immense poisson nageant au milieu de son mur violet ou cet oiseau non identifié aux reflets argentés.
Bizarrement, l’impression qui domine n’est pas celle de la visite d’un squat, mais plutôt d’une gigantesque œuvre de street-art in-situ : on observe d’abord l’endroit, puis les bâtiments et enfin les œuvres. Ou plutôt l’agencement des œuvres dans un espace.

La pluie menace. Les lieux sont toujours vides. Encore quelques photos. Sur un garde corps en béton, des canettes et quelques verres en plastique. Ces hangars ne sont peut-être pas aussi vides que cela. Derrière un grillage, d’autres fresques laissent croire qu’il y en a encore beaucoup à découvrir. Mais il n’y aucune brèche apparente pour accéder à l’intérieur : squatté, mais bien protégé.

Lors d’une nouvelle visite, plusieurs mois plus tard, le lieu a complètement changé. D’un coup d’œil, on remarque que quasiment toutes les fresques ont été recouvertes par d’autres. Le « on ne vit qu’une fois » n’a jamais été terminé. Tel un musée, le lieu se réinvente au fil des collections.

Épilogue (2018).
Après un long conflit policier, politique et médiatique, les squatteurs ont été expulsés, relogés et subventionnés pour continuer leur œuvre culturelle punk et anarchiste. Les bâtiments détruits, les promoteurs ont repris la main pour y construire une « écocité » au doux nom de Jardin des maraîchers.