Le couvent

Il a beau être en centre-ville, le lieu est quasiment invisible pour celui qui n’en connaît pas l’existence, entouré de hautes murailles et bien gardé par un solide portail métallique. Sa cour sert de parking aux institutions locales qui ont élu domicile un peu partout dans le quartier, et c’est peut être cela qui l’a sauvé d’un total abandon.

En haut d’un promontoire naturel, le couvent prend place sur une belle terrasse surplombant la ville et le fleuve. Plein est, la vue porte à des kilomètres. Lors d’une visite matinale par temps clair, le Mont-Blanc semblait à portée de main. Le couvent aurait été érigé ici au début des années 1600, sur l’emplacement d’un ancien château comtal. Depuis, son aspect extérieur laisse apparaître de nombreuses transformations et extensions parfois disgracieuses, qui dissimulent un peu le charme du bâtiment d’origine.

C’est par une de ces extensions que nous rentrons, et arrivons quelques mètres plus loin dans la chapelle. Austère, sans aucune décoration ni vitrail coloré. Sa forme en L nous intrigue : à gauche de l’autel s’ouvre une seconde nef presque aussi grande que la principale, mais fermée du sol à la voûte par une grille métallique ouvragée. Nous comprenons que les sœurs vivaient ici complètement coupées du monde extérieur.

À côté de la chapelle, le « parloir » confirme nos impressions. Nous rentrons dans le domaine réservé des sœurs en passant une lourde porte en bois. Sur le côté, un tonneau à demi ouvert et pivotant sur son axe permettait de déposer les orphelins sans se faire voir pour les confier aux bons soins des servantes de Dieu. Autres temps, autres mœurs…

760degres-couvent-01

L’intérieur du couvent est immense, presque plus qu’on ne pourrait l’imaginer de dehors. C’est un dédale de couloirs, de pièces, de demi-niveaux dont certains sont à peine assez haut pour tenir debout. Au centre, le cloître, magnifique, et envahi par la végétation. Aucun bruit de la ville autour n’y pénètre, c’est le calme absolu.

L’exploration continue, méthodique, pour n’oublier aucune pièce : les cuisines, le réfectoire, les archives, la sacristie, d’autres chapelles plus intimes… Malheureusement, il ne reste que peu de mobilier : tout a été vidé au déménagement des sœurs dans un nouveau couvent plus moderne et fonctionnel dans les années 1990. Il y avait tout de même un ascenseur pour monter dans les étages, ou nous ne trouverons… qu’une salle de bain par palier !

On prend l’un des grands escaliers en pierre justement qui, depuis le cloître, permet d’accéder aux cellules, toutes composés sur le même modèle, avec un lavabo et de la place pour mettre un lit et une petite table tout au plus. Le plan de l’édifice se simplifie dans ces espaces privés, un seul couloir tournant autour du cloître, de sorte que l’on perd vite ses repères d’un côté à l’autre du bâtiment.

760degres-couvent-05

On accède enfin aux spacieux greniers renfermant, eux, quelques dernières traces de la vie passée de ce bâtiment, et qui attend d’en connaître une seconde. Vendu par les sœurs à l’administration, le couvent devait accueillir des bureaux, avant que la puissance publique ne renonce devant le coût élevé des travaux. Un coup d’œil aux toitures depuis notre promontoire le confirme, elles sont en bien mauvais état, et un trou dans le plafond de la chapelle nous l’avait confirmé dès le début de la visite.

760degres-couvent-02
760degres-couvent-03
760degres-couvent-04
760degres-couvent-06
760degres-couvent-07
760degres-couvent-08
760degres-couvent-09
760degres-couvent-10
760degres-couvent-11
760degres-couvent-12

Épilogue (2016).
Désormais muré suite à de multiples et peu bienveillantes intrusions, le site est en vente par l’administration. La presse locale fait régulièrement ses choux gras des déboires des projets autour du couvent, et une association de riverains a été constituée pour en préserver le patrimoine. D’après les gazettes, le dernier promoteur approché aurait fait faillite.