Jacques et les chauves-souris

Aux grottes de Blanot, point de peintures rupestres, ni de rivière souterraine ou de concrétions à couper le souffle (même s’il y a tout de même de beaux spécimens). Mais une histoire inquiétante de chauves-souris qui disparaissent.

Au fond du village de Blanot, un gouffre s’ouvre sur un réseau de plus d’un kilomètre à 80 m sous terre. Son premier explorateur serait un certain Benoît Dumolin en 1739. C’est alors la grande époque des cabinets de curiosités, qui font fureur chez les bourgeois de province, ce qui est justement le cas de Dumolin, médecin auprès des moines de l’abbaye de Cluny. Face aux religieux qui n’osent faire un pas dans l’antre du diable, il s’arme d’une corde à nœuds, d’une bougie… et de deux bouteilles de Bourgogne (on n’est jamais trop prudent !) avant de descendre le premier dans les éboulis du gouffre qui s’ouvre sous le Mont-Saint-Romain.
Il décrira notamment dans ses carnets un énorme rocher en forme d’étrave de bateau et, un peu plus loin, une « salle des morts » (prenant les stalactites et les autres concrétions pour un ossuaire). En réalité, aucun mammifère (qu’il soit humain ou animal) n’a jamais mis les pieds dans ce gouffre qui tombe de 10 mètres dès son entrée. Les pointes de silex et les mâchoires exposées dans la première salle proviennent d’une autre grotte située un peu plus loin.

Après Benoît Dumolin, quelques téméraires exploreront une partie du réseau (ils ont marqué de graffitis les endroits qu’ils ont exploré) mais il faut attendre le milieu du 20e siècle (et les congés payés) pour faire de la grotte de Blanot, comme tant d’autres, une attraction touristique.
Nous vous attendez toutefois pas à une promenade de santé : jusqu’en 2005, il fallait franchir une échelle de 12 mètres dans le bien nommé « Précipice » pour passer de la première à la deuxième salle ! La présidente de l’association des grottes, nouvellement élue maire de la commune, a alors trouvé les subventions qu’il fallait pour « éviter qu’il ait un mort pendant [son] mandat » !
Si cette épreuve est désormais épargnée aux visiteurs et qu’on ne rampe plus dans les galeries, il faut néanmoins courber l’échine, franchir des escaliers dignes d’une coursive de sous-marin et se contorsionner dans d’étroits boyaux pour aller au bout de la visite !

Tout au long du parcours, Jacques vous contera l’histoire de la grotte, de son exploration, du plus petit fossile du monde… et vous parlera un peu de géologie (mais sans s’attarder sur les dates, car il est vrai qu’on s’y perd un peu).

Il vous racontera également comment, chaque hiver, il participe avec la société d’histoire naturelle d’Autun au comptage des chauves-souris, qui hibernent dans la grotte. De 400 dans les années 1950, on est tombé à moins de 80 au dernier comptage. Une véritable hécatombe, qui se confirme partout ailleurs, après les abeilles et les oiseaux des champs.
Et c’est d’autant plus inquiétant que la chauve-souris est une espèce dite « parapluie », c’est-à-dire dont la population est le reflet de tout son écosystème (les insectes et les fruits dont elle se nourrit, les haies qu’elle utilise pour se déplacer, l’habitat rural où elle loge chaque été…). Franchement inquiétant…

À la buvette, n’oubliez pas de prendre un petit remontant auprès de Françoise, la présidente de l’association, qui fait tourner la boutique avec quelques ami(e)s et l’aide de la commune, dans ce qui n’est certainement pas la plus belle grotte de France, mais sûrement l’une des plus sympathiques à visiter.
Compter une heure à une heure trente de visite, jamais pareille à la précédente, et parfois plus… si Jacques ne se fait houspiller par Françoise pour remonter plus vite « car il y a du monde qui attend ! ».


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