[En Périgord] Il était une dernière fois Lascaux II

Le fac-similé de Lascaux va fermer en décembre, et c’est la raison de ma visite. L’État a décidé de « sanctuariser » la colline en interdisant toute circulation, les vibrations des milliers de voitures quotidiennes menaçant l’équilibre fragile de la grotte la plus célèbre du monde.

L’affluence à Lascaux est à la hauteur de son mythe, énorme. Il faut réserver son billet plusieurs jours à l’avance sur internet (aucun billet n’est vendu sur place), et les visites s’enchaînent au rythme d’une toutes les dix minutes. Heureusement, on ne retrouve pas cette impression d’affluence sous terre, où la visite est bien organisée, en sas et au fil des deux salles de la grotte.

La vraie grotte se situe à quelques dizaines de mètres du fac-similé à peine, protégée par une enceinte de grillages et au sol bardé capteurs. Elle est évidemment classée à l’Unesco et est devenue propriété de l’État qui a exproprié le propriétaire du terrain (pour un million de francs en 1972) qui l’avait exploité jusque là.
C’est quand on a commencé de voir les dégradations occasionnées par les visiteurs que l’on a construit le fac-similé dans une carrière à proximité : un chantier de plus d’une décennie pour construire l’armature en métal et béton projeté, puis refaire les peintures sous la direction de Monique Peytral, une artiste locale, qui a inventé son métier de copiste préhistorique.

Lascaux est exceptionnelle par les peintures qu’elle enferme. Les grottes ornées sont légion dans le coin, la plupart de gravures. Les dessins sont beaucoup plus rares, comme à Rouffignac par exemple. Les parois ornées de peintures colorées se comptent sur les doigts d’une main : Lascaux en Dordogne, Pont d’Arc en Ardèche et Altamira en Cantabrie.
Même le dernier découvreur de la grotte encore en vie vient tous les ans visiter le fac-similé, à défaut de rentrer ans la vraie grotte, dont l’accès est limité au conservateur, au gardien et au président de la République. Je ferais carrière en politique rien que pour ça.

Tout a déjà été dit et écrit sur Lascaux, mais c’est l’impression qu’on ressent en entrant dans la salle des taureaux qui est indescriptible. On a beau savoir qu’il s’agit d’une reproduction, la sensation est exceptionnelle. Ce lieu ne pouvait qu’être sacré. C’est d’autant plus frappant que le sol actuel étant le même qu’à l’époque, Cro-Magnon a dû utiliser des échafaudages pour peindre si haut. Il paraît que Picasso aurait déclaré qu’il avait trouvé ses maîtres. C’est évident.

On passe ensuite dans le petit diverticule axial pour découvrir ce qu’on a appelé « la chapelle Sixtine de la préhistoire ». La scène du cheval qui tombe montre à elle seule la maîtrise de Cro-Magnon, qui a représenté un cheval au galop, puis le même tombé à la renverse un peu plus bas, les deux ayant exactement les mêmes proportions. La fresque accréditerait la thèse des pochoirs, mais démontre surtout le savoir-faire des artistes d’il y a 20 000 ans.
On retrouve aussi les signes en forme de grille qui font penser à une signature, ou plus sûrement à la marque d’un clan, le même symbole ayant été retrouvé sur une lampe à graisse, comme pour attester la propriété de l’objet.

Le fac-similé est la propriété de Semitour, le bras armé du comité départemental du tourisme de la Dordogne, qui gère plusieurs sites touristiques dans le coin. Le Département finançant quant à lui le centre Lascaux IV, dont la gestion sera également confiée à Semitour. En redescendant à Montignac, on croise l’impressionnant chantier du nouveau musée qui s’encastre dans la colline. J’ai hâte, et je crains en même temps que Lascaux IV ne soit pas à la hauteur de l’ambiance du fac-similé original. Un destin comme au Pont d’Arc : des oeuvres magnifiques dans une ambiance de supermarché. Rendez-vous en 2017, peut-être ?

En attendant, on se plonge dans l’excellente saga littéraire « Les enfants de la terre », de l’américaine Jean M. Auel, qui nous téléporte dans la vie quotidienne des hommes d’il y a 20 000 ans, en Périgord et ailleurs.


En plus

  • Le site officiel de Lascaux pour réserver sa visite : www.lascaux.fr
  • Le site officiel du tourisme en vallée de la Vézère : www.lascaux-dordogne.com
  • Le site de Monique Peytral, l’artiste de Lascaux II : www.monique-peytral.fr
  • À lire : la série « Les enfants de la terre » (évidemment) de Jean M. Auel (Pocket, 2002 à 2012, 9 volumes, 5 376 pages, 69 € au total)