50 nuances de vert à Aiguebelette

Vert forêt, vert émeraude, vert d’eau… on est allé prendre un grand bol d’air à Aiguebelette, pour une première balade qui, sûrement, en appellera d’autres.

C’était un jour de mai pas fait comme un autre. Une obsession de celles qu’on croit voir partout, dans une revue historique, un magazine sportif, à la télévision, sur les réseaux sociaux ou autour d’un barbecue. Alors on commence de regarder des cartes, comme pour se persuader de ce dont on est déjà convaincu. Et nous voilà parti en direction d’Aiguebelette, le spot du jour.

Le départ de la randonnée des balcons du lac est à deux minutes de la sortie d’autoroute, ce qui est à la fois un gros avantage et son principal inconvénient. Le brouhaha sourd et incessant de la route ne nous quittera pas de la journée. Après avoir rejoint le petit village de Nances, on passe derrière l’église en direction du cimetière, où se trouve un parking ombragé bien comme il faut.

Le début de la balade se fait en forêt, et donne un bon aperçu de ce qui nous attend. Un premier écart est proposé pour découvrir la grotte de la Conche, une grande faille qui s’enfonce dans la montagne de l’Épine. En ce début d’été, la résurgence est à sec, mais à la fonte des neiges ou par gros orage, la grotte se transforme en cascade. Le topo guide indique que la grotte a été explorée sur 1,5 km de profondeur (on n’a pas été vérifier !).
L’ascension continue jusqu’aux passages câblés les plus périlleux de la randonnée, qui se franchissent facilement avec calme et précaution, pour prendre rapidement 100 m de dénivelé et arriver après quelques minutes sur l’arrête du massif.

Désormais, la balade se fera beaucoup plus tranquille. Le sentier des balcons du lac, bien ombragé, traverse la forêt en direction du sud, et offre deux petits points de vue sur le lac situé juste en contrebas. Assez rapidement, on croise d’anciens fours à charbon de bois, à l’origine de la création du sentier. Ce sont d’immenses cuves en métal, dont il ne reste aujourd’hui que le tour, comme des cerceaux jetés par un géant sur les bords du chemin.

Vestiges du dernier conflit mondial, ces fours étaient utilisés pour fabriquer le charbon nécessaire à l’alimentation des voitures à gazogène, faute d’essence en temps de guerre. La paix est revenue, et les charbonnières ont été abandonnées sans que plus personne ne s’en occupe. La pluie et la flore ont fait leur oeuvre, si bien que ces fours rouillés sont désormais indissociables de la nature qui les entoure.

En continuant encore un peu, on arrive au premier belvédère sur le lac, que l’on découvre enfin à un tournant dans la forêt. Le promontoire est tout petit, mais suffisant pour apprécier toute l’étendue d’Aiguebelette et de ses eaux couleur d’émeraude.

Tout au sud, on distingue les deux îles qui ont fait la légende du lac.

Il était une fois une petite ville riche et prospère au bord du lac ; ses habitants ne pensaient qu’aux plaisirs. Un jour, un miséreux se présenta pour mendier un peu de pain. Toutes les portes restèrent égoïstement fermées. Une seule s’ouvrit : celle d’une femme déshéritée de la ville. Celle-ci accepta de partager son repas. Or, ce mendiant était le Christ qui s’était déguisé pour éprouver ces villageois au cœur dur. En punition, le lendemain, toute la ville se retrouva recouverte par les eaux du lac, sauf la maison de la vieille dame et celle de sa fille, que le Christ avait épargnées, et qui demeuraient intactes sur deux îles reliées par un chemin à pied sec. Telle serait l’origine du Lac d’Aiguebelette…

De leur coté, les historiens racontent que le lac serait occupé depuis le néolithique, des traces d’habitations sur pilotis ayant été retrouvées au milieu du 19e siècle. Après un siècle et demi de fouilles, les archéologues ont identifié 18 cités lacustres sur les bords d’Aiguebelette. Aujourd’hui encore, on découvre des hangars et des petites maisons construits sur pilotis au bord du lac.

Si les bateaux à moteur sont interdits sur le lac depuis 1967, la pratique de l’aviron s’est, en revanche fortement développée depuis le début du 20e siècle. Une importante base est installée dans l’ancienne maison de l’écrivain Frédéric Dard sur la rive ouest du lac, et les championnats du monde de la discipline s’y sont déroulés en 2015.

Après un rapide pique-nique, on reprend le sentier qui se rétrécit rapidement et, de l’avis même du topo-guide « se transforme en jeu de piste ». Heureusement, quelques petits malins ont semé des petits cailloux en forme de cairns et de dessins rigolos, en plus des marques jaunes. Aucun risque de se perdre cependant, il suffit de descendre toujours plein sud. Au niveau des Logers, un petit sentier assez ardu permet de couper l’itinéraire, ce qui peut être une bonne solution.

En effet, après avoir passé Les Gustins (et un rucher dont les abeilles sont un peu agressives en ce début de printemps 😉 ) puis La Combe, le retour se fait entièrement au bord de la route qui fait le tour du lac. L’accotement est large, au soleil et avec vue le lac, mais contraste avec le calme ombragé de la forêt que l’on vient de quitter. On arrive enfin face à l’autoroute, que l’on traverse par un petit tunnel. Ambiance béton armé et fantaisies architecturales des années 80.

Après une bonne heure sur le bitume, on retrouve enfin la forêt auprès des sources du Gua. La légende dit qu’elles ne gèlent jamais, et que l’eau est à température constante de 9°. Puis on arrive à la grotte du Loup, en fait un petit abri sous roche… qui a sûrement été occupé par un loup un jour. Des récentes recherches font l’hypothèse que cet abri serait un sanctuaire protohistorique (juste après la préhistoire) car, le jour du solstice d’hiver, le soleil traverse l’abri grâce à une lucarne aménagée dans la roche.

Après avoir terminé la balade, on passe quelques minutes à la Maison du lac, à la fois espace pédagogique et brasserie, avant de faire quelques kilomètres le long de la rive ouest du lac à la recherche d’une baignade face au massif de l’Épine. Pour la petite histoire, Aiguebelette est le 7e plus grand lac naturel français, et est une propriété privée de la famille de Rivérieulx de Chambost de Lépin, issue de la noblesse, et de EDF pour sa partie nord ouest.


En plus