Bordeaux (avec modération)

Il y a deux visages de Bordeaux. Ou trois. Ou peut-être même quatre. Nous, c’est le Bordeaux du quotidien qu’on a choisi d’explorer, celui qu’on ne voit pas dans la communication touristique.

De Bordeaux, on connaît les clichés : le tramway sans fil, le miroir d’eau face à la Garonne, la plus longue rue piétonne de France, la rénovation urbaine que les élus se plaisent à survendre comme un modèle dans les médias. Et c’est vrai que c’est joli.

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Pour une première approche de « la belle endormie » comme on la surnomme, le circuit Unesco constitue une balade agréable des tours, places et clochers bordelais. Sur la place de la comédie devant le grand théâtre, on croise Sanna, œuvre de Jaume Plensa, visage de femme immense qui joue sur le principe d’anamorphose. Un peu plus loin, l’hôtel de ville fait face à la cathédrale Saint-André, la plus grande de ville.
Comme tout Bordelais qui se respecte, faites une halte chez Mollat, la plus grande librairie indépendante de France où vous trouverez forcément quelque chose pour bouquiner lors d’une pause en terrasse un peu plus tard, pourquoi pas sur la petite place du palais face à la porte Cailhau.

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Une première rupture se fait au croisement du cours d’Alsace-Lorraine et de la rue Sainte-Catherine (la fameuse rue piétonne) quand, en partant vers le sud, la population plus bourgeoise que bohème cède progressivement la place à une foule plus populaire et nettement moins grisonnante.

Mais avant de se perdre dans les petites rues, on fait une dernière escale touristique au musée d’Aquitaine. Si le rez-de-chaussée (en réaménagement) n’a d’intérêt que pour l’impressionnante rosace d’une ancienne église, on s’attardera plus longuement au premier étage, qui retrace l’histoire du port de Bordeaux et de la traite négrière. Avec près de 500 expéditions de traite du 17e au 19e siècle, essentiellement après la guerre d’indépendance américaine, Bordeaux représentait 12 % du commerce négrier français, soit autant que La Rochelle ou Le Havre. Enchainés à fond de cale, seuls les trois-quart des esclaves survivaient à la traversée. Le commerce et le négoce furent ainsi, bien avant le vignoble, à l’origine de la cité bourgeoise et aristocratique que l’on connaît aujourd’hui.

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On quitte donc l’hyper-centre, pour arriver dans un Bordeaux moins pédant, plus étudiant, avec ses petits immeubles pas encore rénovés. C’est celui des classes moyennes qui, tranquillement, voient passer dans leur quotidien les touristes perdus entre deux places toutes neuves. Les pavés sont cabossés, la vigne monte sur les murs, la vie s’écoule doucement dans des petites maisons à un étage comme on en trouve encore parfois dans les villes portuaires de Charente.

Le soir, au pied de la flèche Saint-Michel, des danseurs se rassemblent pour faire leurs gammes. Spectacle étonnant de les voir chacun dans leur bulle, casque sur les oreilles, enchainer les chorégraphies en silence devant les badauds. Plus loin, devant un théâtre en grève, on s’arrête devant l’église Sainte-Croix et sa façade dissymétrique.

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Après un burger en circuit court et une bonne nuit de sommeil, on s’élance le lendemain matin à l’assaut du pont de pierre, dont on dit que le nombre d’arches est un hommage au nombre de lettres de Napoléon Bonaparte qui en ordonna la construction.
De l’autre côté de la Garonne s’ouvre un autre Bordeaux, celui de la Bastide, déserté des touristes. Un coucou au lion géant signé Xavier Veilhan, et on découvre une ville lancée dans la reconquête de ses berges : on a végétalisé les terrains vagues et parkings sauvages des sièges sociaux, on a rénové des anciens stockages de marchandises en zone de loisirs, on trace des sentiers et pistes cyclables au bord de l’eau. Du fond de la Garonne surgissent encore des épaves de bateaux coulés par l’occupant en déroute en août 1944 : 200 navires coulés en deux jours et deux nuits, dont la moitié repose encore au fond du fleuve plus de 70 ans après.

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Au milieu du parc des angéliques, on croise « Darwin », une ancienne friche militaire reconvertie en pôle artistique, économique et culturel, à tendance économie sociale et solidaire. Longtemps abandonnée au départ des troupes du régiment du train, la caserne Niel revit depuis 2008 et son acquisition par deux entrepreneurs qui y fondent un projet « éco-créatif ».

Sa vitrine en est le « Magasin général », une épicerie restaurant où l’on mange bio, responsable et à (relativement) bon marché. Alternative, et un peu bobo quand même, la pépinière d’entreprises accueille des consultants en environnement, des collectifs de designers, des agences de communication encore des cabinets de coaching.

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Autour, une grande partie des bâtiments est encore dans son jus, vite rafistolé, avec des épaves par-ci par-là. Un paradis pour les street-artistes, on l’on trouve des salles d’expositions ou d’événements éphémères, un skate-park en matériaux de récupération, un stade de « bike-polo » (WTF ?!), ou encore un local d’Emmaüs et des jardins urbains.

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La balade se poursuit vers le nord jusqu’au pont levant Jacques-Chaban-Delmas. Pour le coup, on traverse une vraie zone industrielle, et l’on croise d’autres symboles de la prospérité bordelaise. Après l’abolition de l’esclavage, Bordeaux tire sa richesse du dynamisme des chantiers navals, d’une importante densité de foires et d’activités de commerce, mais également de l’exploitation agricole de l’arrière-pays, donnant naissance une industrie alimentaire symbolisée par les Grands moulins qui s’élèvent encore au bord de la Garonne.

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On rejoint enfin le centre-ville en croisant la Cité du vin, nouveau symbole de la prospérité bordelaise. Un musée à l’architecture tout en rondeurs pour célébrer le vignoble qui fait rayonner la région dans le monde entier, qui se dévoilera en juin 2016.

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